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La francophonie au Japon

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Le restaurateur Jacques Cagna, 1 étoile Michelin
Article mis en ligne le 1er janvier 2004
dernière modification le 23 mai 2023
Jacques Cagna, une cuisine inspirée
 
Quand innovation rime avec inspiration. Une étoile au Michelin couronne l’un des plus japonisants des grands chefs parisiens. Histoire d’une réussite exemplaire.
 

Franc-Parler : Vous êtes depuis longtemps en cuisine ?
Jacques Cagna : Depuis l’âge de treize ans et demi. J’ai commencé comme apprenti cuisinier à l’hôtel Meurice en 1956, pendant 3 ans. Et ensuite j’ai fait mes classes comme ça se faisait à l’époque, d’aller d’un restaurant à un autre, 3 mois par ci, 6 mois par là. Également à Londres pour apprendre l’anglais et ensuite à l’âge de 23 ans, j’ai ouvert avec ma sœur un petit restaurant dans le XVIIe qui s’appelait La ficelle, que j’ai tenu 10 ans. J’ai ouvert le restaurant Jacques Cagna en 1975, en 1992, La rôtisserie d’en face. Et en 2000, un nouveau restaurant de poisson, L’espadon bleu, version tout poisson-fruits de mer qui se trouve, 25 rue des Grands-Augustins, à une minute à pied de mon restaurant principal.
 
Franc-Parler : }Quelles ont été les étapes de votre apprentissage ?
Jacques Cagna : Au cours de l’apprentissage, c’était trois ans, maintenant on fait deux ans, la première année a été en pâtisserie. La deuxième année, au garde-manger, c’est là où on prépare tout ce qui est froid, et ensuite, j’ai fait six mois au poisson et six mois à la viande.
 
Franc-Parler : Est-ce que c’est facile la vie d’un jeune dans la cuisine ?
Jacques Cagna : Non, c’est très dur et maintenant nous avons un gros problème de sélection du personnel en cuisine car les jeunes ne veulent plus travailler dans des métiers aussi durs et nous avons une grosse difficulté à embaucher du personnel. Le gros problème actuel est que les jeunes veulent travailler, ou le matin, ou le soir. Ils ne veulent pas travailler le samedi, ils ne veulent pas travailler le dimanche et on trouve du personnel très très difficilement. C’est beaucoup plus facile maintenant de trouver des clients que de trouver du personnel.
 
Franc-Parler : Pourquoi avez-vous fait d’autres restaurants différents du Jacques Cagna ?
Jacques Cagna : D’abord, j’ai ouvert la Rôtisserie d’en face en 1992 au moment, disons, de la fameuse crise économique et heureusement d’ailleurs, puisque comme les restaurants haut de gamme avaient baissé, j’ai pu tenir le coup jusqu’à 1998 qui était la reprise. Les restaurant ont bien repris, maintenant tout marche bien mais entre 1992 et 1998, les restaurant haut de gamme avaient baissé à peu près de 30%. Et aussi, ça me permettait de faire autre chose. Les clients qui viennent dans un restaurant haut de gamme ne peuvent pas tous les jours manger dans des restaurants étoilés Michelin. Ils ont envie aussi de dîner dans des endroits où on mange bien, mais qui sont plus simples, où on n’a pas besoin de mettre une cravate et où on peut manger de bons produits plus simples. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai fait ce que j’aimais moi trouver quand je sortais avec des amis, dans des endroits conviviaux avec de la bonne cuisine et pas trop chers.
 
Franc-Parler : Qu’est-ce qui caractérise le restaurant Jacques Cagna par rapport à ceux de vos confrères ?
Jacques Cagna : Par rapport à mes confrères ? Ça c’est difficile de dire ça. Je pense que je suis un des vingt meilleurs restaurants à Paris. J’ai la chance que mon restaurant soit installé dans un hôtel particulier qui a 300 ans, et qui a un décor assez unique avec des tableaux hollandais de la même époque que l’immeuble.
 
Franc-Parler : Vous avez une carte des vins assez exceptionnelle.
Jacques Cagna : J’ai une carte des vins avec 600 vins différents, dont des vins remontant à 1880 jusqu’à maintenant. J’ai une des plus belles caves de France.
 
Franc-Parler : C’est un investissement assez lourd…
Jacques Cagna : L’investissement de cave est plus important que l’investissement du restaurant lui-même. Mais c’est un bon investissement. Il vaut mieux mettre du vin dans sa cave que mettre de l’argent à la banque.
 

Franc-Parler : Est-ce que vous créez des tendances ?
Jacques Cagna : C’est difficile individuellement de créer une tendance. La tendance, c’est un peu comme la haute couture, c’est créé on ne sait pas comment. Pourquoi il y a des modes de robes longues, de robes courtes, pourquoi les cuisiniers français se sont mis à faire de la cuisine à l’huile d’olive ? Tout le monde fait de la cuisine à l’huile d’olive. J’en fait aussi parce que je suis originaire de Nice et j’aime la cuisine à l’huile d’olive. Les modes passent comme ça d’un restaurant à un autre sans très bien savoir comment.
 
Franc-Parler : Y a-t-il certains produits que vous aimeriez promouvoir ?
Jacques Cagna : J’aime utiliser vraiment tout. Je suis toujours à la recherche de nouveaux produits. J’ai toujours essayé d’être dans les premiers à découvrir un produit qui n’était pas encore vendu sur le marché. Par exemple, j’ai été le premier à utiliser les pommes de terre de Noirmoutier à Paris. Par hasard, un jour, à Rungis, on m’a proposé une petite caisse de petites pommes de terre grenaille qui n’étaient pas vendues. Ils ne savaient pas quoi en faire. Ce sont de toutes petites pommes de terre. On ne peut pas les éplucher donc je les ai utilisées avec la peau. Ça a fait un succès, les journalistes en ont parlé et puis maintenant tout le monde en fait. Depuis plus de 25 ans, il y a pas mal de produits que j’ai été ou le premier ou l’un des premiers à utiliser. Dans mon restaurant L’espadon bleu, je fais du pain dans lequel je mets de la laitue de mer, des algues dedans, et ça je pense que j’ai été le premier à faire ça.
 
Franc-Parler : Vous changez continuellement ?
Jacques Cagna : Contrairement à ce que pensent peut-être les journalistes, la création en cuisine, la création pure, est assez rare. Je sais qu’un jour Troisgros m’avait dit : – dans ma vie, j’ai dû créer vraiment trois plats, quatre plats, vraiment originaux que jamais personne n’avait fait avant. On a une certaine tendance comme les peintres, les musiciens à s’inspirer les uns les autres et après on modifie mais l’inspiration vient de quelque part. Toute cette mode des poissons marinés, naturellement a été inspirée du Japon.
 

Franc-Parler : Vous parlez aussi japonais.
Jacques Cagna : Il y a plus de 15 ans, j’ai pris 600 heures de japonais. Malheureusement dans la pratique de mon métier, je n’utilise pas beaucoup le japonais. J’ai beaucoup perdu. Sans me jeter des fleurs, je crois que je suis le seul chef-restaurateur à Paris qui ait pris autant de cours de japonais. Beaucoup de mes collègues ont commencé 10 heures, 20 heures et ont laissé tomber parce que c’est quand même une langue assez difficile, surtout si on ne l’utilise pas. Si on vit à Tokyo, on l’utilise tous les jours et à Paris, je ne connais personne qui ait fait la même chose que moi. Les chefs qui ont travaillé au Japon, c’est différent.
Je parle avec mes clients en japonais. Malheureusement j’ai une certaine tendance à utiliser souvent les mêmes choses : « Avez-vous aimé ? C’était bon ? » Donc, je n’utilise pas beaucoup tout le vocabulaire que j’ai appris.
 
Franc-Parler : Avez-vous des apprentis ou un sommelier japonais ?
Jacques Cagna : Depuis plus de 25 ans, j’ai régulièrement un ou deux stagiaires japonais. D’ailleurs j’ai été très surpris quand je suis venu une fois à Tokyo, pour le plaisir, en vacances. Un Japonais qui avait travaillé chez moi a appris que j’étais là et il a réuni, je ne sais pas comment, une vingtaine de Japonais qui avaient travaillé au cours des années chez moi. Ils m’ont invité au restaurant, ils m’ont fait des cadeaux et j’ai été absolument, incroyablement surpris.
 
Janvier 2004
Propos recueillis : Éric Priou
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