フラン•パルレ Franc-Parler
La francophonie au Japon

Rédaction du journal :
Rédacteur en chef : Éric Priou
Rédaction : Karen, Mika Tanaka

La francophonie au Japon
Franc-Parlerフランス語圏情報ウェブマガジン フラン・パルレ
〒169−0075新宿区高田馬場1−31−8−428
1-31-8-428 Takadanobaba, Shinjuku-ku, 169-0075 Tokyo

Tel : 03-5272-3440
E-mail:contact@franc-parler.jp
http://franc-parler.jp

Régis Royer, acteur du film Lautrec
Article mis en ligne le 1er septembre 1999
dernière modification le 25 mai 2023
Lautrec, de la toile à l’écran
 
Révélé par le théâtre, Régis Royer a remporté le prix d’interprétation masculine de Mar del Plata pour son rôle dans le Lautrec de Roger Planchon. Rencontre avec un personnage aussi chaleureux à l’écran que dans la vie privée.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Vous êtes plutôt un homme de théâtre...
Régis Royer : C’est exact, j’ai commencé au théâtre à 16 ans en fait, et depuis ça n’a pas arrêté. J’ai rencontré Roger, on a commencé à travailler ensemble en 1990. Tous les ans je joue une pièce. C’est bien, parce que c’est en jouant tous les soirs que l’on apprend vraiment ce que c’est que la réalité du théâtre, ce n’est pas forcément dans les écoles... Bien que j’aie fait le conservatoire aussi, en tout cas, c’est bien, c’est ma vie.
 
Franc-Parler : Comment avez-vous débuté ?
Franc-Parler : En fait, ce qui s’est passé, j’ai pris des petits cours de théâtre avec la prof de français comme souvent ça arrive et l’école a demandé à tous les élèves de faire un stage en entreprise pour mieux se familiariser avec la vie active. Alors, moi j’en ai profité, je suis allé directement dans un théâtre, j’ai téléphoné à plein de théâtres et j’ai été reçu dans l’un d’eux. Il se trouve que la semaine où je suis arrivé, le directeur du théâtre cherchait un acteur ou une actrice pour jouer Poil de carotte. Il m’a vu débarquer, j’étais super content d’être là, je lui posais plein de questions sur le théâtre. Et il m’a dit : « Bon, viens, on va faire un petit essai pour voir » et en fait, il m’a engagé. En une semaine ma vie a totalement changé. J’étais arrivé petit écolier émerveillé par le théâtre et la semaine d’après, je signais le contrat pour jouer 2 mois à Paris. Ça a été un succès formidable et on a joué 2 ans. Donc de seize à dix-huit ans, j’ai vraiment appris à force de jouer tous les soirs. J’ai appris sur le tas, ça c’était vraiment bien.
 
Franc-Parler : Et le conservatoire, comment ça s’est passé ? Qu’est-ce que ça vous a apporté ?
Régis Royer : J’ai passé le conservatoire, j’avais vingt-trois ans, ça faisait sept ans que je travaillais, mais je ne connaissais pas de gens de ma génération. Donc, c’était dur, je me sentais seul. J’ai bien fait parce que je me suis éclaté pendant trois ans. C’est formidable, c’est un endroit unique, il y a plein de salles, il y a de supers profs, et puis j’ai rencontré les élèves avec lesquels je vais grandir toute ma vie. Donc, c’est un endroit où pendant trois ans on peut se permettre d’interpréter tout ce qu’on veut, de faire des essais, de se planter de recommencer... C’est essayer, jouer, jouer, jouer. Après ces trois années-là on a tellement travaillé qu’on se sent plus solide, on a essayé plein de choses.
 

Franc-Parler : Vous revoyez vos camarades du conservatoire ?
Régis Royer : Oui. Là, j’ai un ami du conservatoire qui s’appelle Jérôme Robart qui a écrit une pièce qui s’appelle Tes. C’est super, c’est vraiment très étonnant et là, j’ai dit non à Planchon, j’ai dit non à Jacques Lassale, à Georges Lavaudant pour faire absolument cette pièce qu’on va créer au mois de février. C’est loin mais ça vaut tellement le coup de défendre un texte qui n’a jamais été joué, qui me plaît beaucoup et qui parle de l’homme aujourd’hui. C’est bon par rapport au théâtre de pouvoir poser toutes les questions. Le monde change, il y a plein de choses qui sont remises en question par rapport à une génération plus vieille qui ne vit pas dans le même monde que nous parce que ça va tellement vite qu’ils sont dépassés et nous on perd parfois un peu pied. Pour moi, c’est primordial. Là, j’ai l’impression d’être cohérent par rapport au fait d’être acteur et tout d’un coup de défendre un jeu d’auteur qui veut dire des choses qui correspondent à de vrais problèmes actuels plutôt que de continuer à jouer de grands textes même si j’adore Molière. Mais là, il y a une volonté de prendre un virage et si on le négocie bien, ça peut être vraiment intéressant.
 
Franc-Parler : Pourquoi ce titre Lautrec et non pas Henri de Toulouse-Lautrec qui est le vrai nom du peintre
Régis Royer : De toutes façons, c’est Lautrec, lui, quand on l’appelait, on ne lui disait pas : « Bonjour Monsieur Henri de Toulouse-Lautrec », on lui disait : « Salut Lautrec ! » C’était quelqu’un de très populaire, tout le monde le connaissait à Montmartre. Ça correspond vraiment au personnage, Lautrec, c’est Lautrec.
 
Franc-Parler : Dans le film, on vous voit rarement en entier, c’est un choix du réalisateur ?
Régis Royer : Lautrec mesurait un mètre cinquante, donc moi, je ne suis pas tellement plus grand, je mesure un mètre soixante-dix mais quand même. Roger a fait sa mise en scène de manière à ce qu’on ne voie jamais mes jambes. Et quand je suis en pied, il y a quand même certains plans où on me voit en pied, là, je passe des chaussures avec un trou et il y a un trou dans la table et je passe les pieds dedans.
 
Franc-Parler : Il y avait des contraintes...
Régis Royer : J’avais plein de contraintes, enfin les quinze premiers jours, j’avais un corset qui me rallongeait le buste, j’avais des lunettes, je ne voyais absolument rien au travers. J’ai eu une prothèse aussi à un moment donné pour donner quelque chose de plus lourd. Tout ça a fait que les quinze premiers jours, j’étais un peu perdu. Après, c’est devenu un jeu, je m’en servais, c’était très drôle.
 
©Franc-Parler

Franc-Parler : Comment avez-vous préparé votre rôle, pour être plus Lautrec ?
Régis Royer : J’ai de la chance. Souvent au cinéma, on passe un casting au mois de mai par exemple, et on peut commencer en juillet donc l’espace de travail avant le tournage est très court, moi j’ai eu un an pour travailler, pour me documenter. En plus, j’étais un peu dans une situation délicate puisque Roger m’appelle un jour et me dit : « Salut, je vais te dire un truc. Tu ne me poses pas de questions. » Je lui dis : « D’accord. » Il me dit : « Ne te rase pas, salut. » Et il raccroche. Et donc, j’ai su après qu’il préparait un film sur Lautrec, mais le problème pour lui comme je suis inconnu, les producteurs ne voulaient pas donner, n’acceptaient pas que je joue le rôle principal dans ce film. Donc, je suis resté un an, je n’avais pas le scénario, je savais qu’il y avait ce projet, mais je ne savais pas si ce serait moi qui jouerais le rôle. Donc en fait j’avais deux alternatives : ou alors je me disais bon, j’attends d’avoir la réponse pour commencer à travailler ou alors je travaille maintenant et puis si le film se fait sans moi et bien au moins, j’aurai appris des choses sur Lautrec. Donc, j’ai travaillé, travaillé, j’ai lu énormément, je suis allé à Albi voir son musée plusieurs fois. J’ai passé une semaine dans sa région natale, j’ai visité l’endroit où il a passé toute son enfance. J’habite Montmartre en plus, alors toutes les rues par lesquelles il était passé, j’y habite depuis dix ans, j’y vivais. J’ai redécouvert mon quartier, ce qui était mon quartier cent ans avant ; c’était ludique. Et puis j’ai pris des cours de peinture aussi pour essayer, pour savoir ce que c’était. J’ai travaillé avec une élève des beaux-arts qui m’a parlé beaucoup de la peinture, de Lautrec aussi. Enfin, j’ai essayé de tout faire pour me familiariser avec lui et puis, je n’avais pas de méthode, je ne savais pas du tout comment travailler au cinéma. Je me suis dit autant en faire beaucoup et puis ça me servira toujours.
 
Franc-Parler : Quelle est la part de fiction, d’authenticité dans le film ?
Régis Royer : C’est beaucoup plus authenthique que fiction parce qu’il y a plein de répliques dans le film qui sont tirées directement de la correspondance de Lautrec.Tout ce que dit Van Gogh, c’est directement tiré de ses correspondances et toutes les anecdotes sur Hélène par exemple, Hélène la petite blanchisseuse, ça, ça a vraiment existé. Roger a vraiment essayé d’être le plus juste par rapport à l’histoire, parce que l’histoire est belle simplement, parce que ce qu’a vécu cet homme, il n’y a presque rien à rajouter. La seule chose qui n’est pas trop montrée dans le film, c’est à quel point son père, que joue Claude Rich, était un extravagant incroyable. Le père descendait dans la rue en tutu, il allait laver ses chemises dans le caniveau, il sortait en touareg sur son cheval et il allait se balader dans le bois de Boulogne. Il faudrait faire un film sur le père de Lautrec parce que c’est absolument incroyable.
 
Franc-Parler :Vous seriez partant pour jouer le rôle du fils ?
Régis Royer : Peut-être pas.
 

Franc-Parler : Comment s’est passé le tournage avec Elsa Zylberstein ?
Régis Royer : Très très bien. Elle est très très forte. J’avais même peur qu’avec Claude, avec Anémone,... je me disais que ça allait être dur d’être confronté à des acteurs qui ont autant d’expérience au cinéma. Mais en fait, ça s’est très très bien passé. J’ai dit à Elsa : « Toi, tu as fait beaucoup de cinéma, moi je n’en ai pas fait beaucoup, j’espère que ça va aller. » Elle a été adorable, on s’est super bien entendus et puis quand on jouait ensemble, comme elle joue bien, ça me stimulait et passés les deux premiers jours, les deux premières scènes entre nous où je ne savais pas trop comment m’y prendre, après cela a été comme sur des roulettes.
 
Septembre 1999
Propos recueillis : Éric Priou
qrcode:http://www.franc-parler.jp/spip.php?article38