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Marina de Van, réalisatrice du film Dans ma peau
投稿日 2003年4月30日
最後に更新されたのは 2023年5月23日
Difficile de rester indifférent, insensible à la vision du premier long métrage de Marina de Van. Loin de montrer simplement un exercice de découpage ensanglanté, elle propose de s’interroger sur l’identité du corps.
À voir (avec précaution cependant).
 
Franc-Parler: Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène un personnage qui s’automutile?
Marina de Van: Ce n’est pas directement l’auto-mutilation qui était ma source d’inspiration, c’était plus généralement le rapport au corps et le sentiment qu’on peut avoir que le corps est un objet étranger ou le sentiment d’une distance par rapport à son propre corps qui est une chose à laquelle on ne pense pas quotidiennement parce qu’on vit avec son corps, on s’identifie à son corps. Et puis dans certaines expériences ou dans certaines circonstances on peut à un moment donné prendre la mesure d’une distance qui existe réellement et que tout le monde a déjà éprouvée soit dans un accident soit dans quelque chose et on peut à tout moment redécouvrir son corps dans son altérité.
C’était ce sentiment d’étrangeté, cette impression que le corps est bizarre ou le doute sur s’il est vraiment à moi, qu’est-ce que c’est?, et s’il avait une volonté propre et tout ça. Ce sont ces choses-là qui me fascinent depuis longtemps. C’est vrai que j’avais envie d’exprimer et de mettre en scène. Quand je l’ai expliqué comme ça, ça ne marchait pas, les gens avaient l’impression que je disais n’importe quoi ou que j’étais déséquilibrée. Et je voulais montrer, je voulais communiquer ces impressions qui je pense sont tout à fait universelles, font partie de notre expérience à tous. Il y avait aussi l’idée de la pulsion, j’aime bien les héroïnes et les héros et donc j’avais l’envie pour mon premier film de traiter l’image d’un personnage qui se bat qui est une héroïne. Et du coup qu’est-ce qu’il y a de plus menaçant dans les dangers internes, dans les choses qui viennent de nous ? Parce que ça me plaisait qu’elle ait comme ça une pulsion, qu’elle soit entièrement tournée vers la construction d’une vie positive et qu’en même temps elle soit assaillie par une pulsion qui représente pour le spectateur toutes les petites pulsions qu’il peut avoir. De trop boire, d’arriver en retard et tout ça et des petites pulsions destructrices qu’on a tous. Donc l’auto-mutilation c’était une pulsion qui était royale pour traiter de ça et ça me permettait d’avoir un personnage très combatif qui se bat contre quelque chose d’opaque, d’incompréhensible qui la submerge.
 
Franc-Parler: On assiste à une auto-destruction du personnage. Est-ce aussi une forme de masochisme?
Marina de Van: Vous voulez dire masochisme au sens d’une pratique érotique? Oui mais en fait la différence, c’est que d’abord quand on parle de masochisme, on parle d’une sexualité adulte, ritualisée, en général à plusieurs, enfin à deux et la sexualité de mon personnage dans ces circonstances-là, elle est très régressive. Et en fait elle s’approche de la sexualité d’un enfant où toute la surface du corps est érotisée et où c’est de l’auto-érotisme, donc il y a une dimension fortement sensuelle. Il y a autre chose que je voulais montrer dans la façon dont elle pratique ça, au-delà de la sensualité qui est un plaisir et qui a une dimension affective aussi; c’est la curiosité, l’émerveillement, l’exploration qui sont aussi des attitudes très enfantines, de regarder ce qui est caché, de s’émerveiller de tout et c’est ça qui était pour moi le plus important. Ce qui fait que la douleur en ce sens-là est un peu un obstacle parce que ça empêche d’aller plus profondément. En même temps dans le contexte de mon histoire, c’est aussi quelque chose qu’elle recherche pas forcément pour le plaisir mais parce que la sensation est aussi la garantie de son lien au corps. Donc la sensation veut dire quelque chose par rapport à ce que c’est que ce corps et au fait qu’il lui appartient. Voilà la douleur, je ne sais pas si c’est directement la source du plaisir.
 
Franc-Parler: L’héroïne en arrive à se manger…
Marina de Van: Elle s’arrête à la peau; dans l’hôtel elle se mange, c’est la peau. Ça ne change rien en fait. Je voulais rester dans le contexte d’une action réaliste c’est-à-dire que quelqu’un peut faire, enfin…on ne peut pas tous faire parce qu’on n’a pas envie de se… Mais on n’a pas besoin d’être psychotique, ce n’est pas comme s’amputer d’un bras. Ça reste épidermique et je voulais rester dans cette dimension parce que d’une part il n’y a pas de dommage irréversible moteur et tout ça mais surtout, le personnage ne peut pas aller au-delà sans la douleur qui est insupportable. Donc, elle est arrêtée. Donc, je voulais qu’il y ait cet obstacle que le corps résiste. Elle attaque le corps mais c’est un objet mais qui à un moment s’oppose à elle par la douleur. Donc, elle ne peut pas faire ce qu’elle veut
 
Franc-Parler: En français, les expressions avec la peau sont nombreuses. Pourquoi ce titre du film Dans ma peau?
Marina de Van: Je l’ai choisi parce que la première personne permettait que chaque spectateur se l’approprie. Chaque fois il se dit dans ma peau et ça désignait bien le fait que le film est fait pour l’accueillir et pour qu’il puisse comprendre et être dans la peau du personnage sans en souffrir sans se blesser mais qu’il puisse suivre une expérience intime.
 
Franc-Parler: Dans la scène du dîner d’affaires, on parle beaucoup du Japon. C’est un hasard?
Marina de Van: Ah oui, c’est un hasard. J’ai choisi le Japon parce que le copain qui m’a donné des informations pour le milieu du travail parce que moi je ne suis pas… Je connais une seule personne qui est dans un milieu de travail salarié, normal on va dire, qui n’est pas le cinéma et c’était cet ami qui travaille dans ces contextes de truc de sondage qui lui-même avait plus d’idées sur ces pays-là mais en fait ça vient de lui ça
 
Franc-Parler: Que préférez-vous: l’écriture d’un scénario, la mise en scène?
Marina de Van: Ah non, mettre en scène. Pour l’instant j’ai toujours tourné des choses que j’avais écrites moi parce que ce n’est pas évident de tomber sur quelque chose qui va résonner en moi et qui soit écrit par quelqu’un d’autre. Maintenant, écrire un scénario sans le réaliser ça n’a pas d’intérêt non plus parce que le scénario lui-même n’a aucun intérêt, c’est un outil technique donc le scénario. C’est déjà…, c’est la conception d’un film. On peut très bien en faire son métier et écrire si on a assez de capacité d’invention mais en tout cas quand on est metteur en scène, je ne crois pas qu’écrire un scénario soit palpitant en soi. Maintenant, c’est rigolo comme exercice, c’est rigolo pour pouvoir travailler pour d’autres. Par contre si j’avais des scénarios d’autres personnes qui me stimulaient, ça me plairait moi de travailler sur des histoires d’autres personnes. Mais bon, pour l’instant, ça ne s’est pas produit.
 
2003
Propos recueillis: Éric Priou

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