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L’abolition de la peine de mort en France
Article mis en ligne le 1er mars 2000
dernière modification le 1er novembre 2017
Le long chemin de l’abolition de la peine de mort en France
 
Avant la fin du dix-huitième siècle, rares sont ceux qui, en France, mettent en doute la légitimité de la peine de mort. Toutefois, lorsqu’en 1764, un jeune homme de vingt-six ans, Cesare Beccaria, publie son traité Des délits et des peines, les idées vont peu à peu évoluer, une ère nouvelle commence, des débats s’ouvrent, ils seront l’amorce du premier mouvement abolitionniste.
En cette fin de siècle, la France s’interroge sur le fonctionnement de sa justice. Sans réclamer l’abolition de la peine de mort, Voltaire plaide contre la barbarie des exécutions et pour l’amélioration du système judiciaire. Les condamnations infligées dans deux affaires criminelles (celle de Calas puis celle du Chevalier de La Barre), suscitent l’indignation des hommes des Lumières, des intellectuels et même d’une partie de ce qu’on appelle aujourd’hui l’opinion publique.
Au cours des débats sur ce sujet de l’Assemblée nationale constituante, l’un des orateurs politiques, partisan inattendu de l’abolition, est Robespierre qui entend prouver « premièrement que la peine de mort est essentiellement injuste et deuxièmement qu’elle n’est pas la plus réprimante des peines et qu’elle multiplie les crimes beaucoup plus qu’elle ne les prévient. »
Au printemps 1791, l’article 3 du nouveau code pénal adopté par la Constituante mentionne : « Tout condamné aura la tête tranchée. » C’est alors qu’un inventeur proposa une manière moins douloureuse de mise à mort et fit valoir le « principe d’égalité » devant la mort, devenue enfin possible grâce à un couperet perfectionné ; le docteur Guillotin se chargera de la réalisation de l’invention : « Je vous fais sauter la tête en un clin d’œil et vous ne souffrez pas. » La machine fut adoptée et la guillotine se mit en marche le 25 avril 1792.
Pourtant l’idée de l’abolition fait son chemin. Quelques années plus tard, la Convention, par la loi du 4 brumaire an IV, supprime la peine capitale, mais avec une restriction qui lui sera fatale : « à dater du jour de la publication de la paix générale ». Le Code napoléonien mettra un terme à cette abolition conditionnelle en 1810.
Après le Consulat et l’Empire, les exécutions continuent sous la Restauration puis le débat sur la légitimité de la peine de mort reprend au dix-neuvième siècle lorsque Victor Hugo publie Le dernier jour d’un condamné. Des savants prestigieux, des juristes et des personnalités littéraires et politiques s’élèvent contre la peine de mort barbare et inutile mais ils suscitent toujours des contradicteurs qui s’expriment au nom de l’ordre social : « Si un État abolit la peine de mort, il court le risque de voir accourir à l’intérieur de ses frontières les criminels des États voisins. »
Le 17 mars 1838, Lamartine plaide devant la Chambre en faveur de l’abolition, il déclare que la peine de mort est devenue inutile et nuisible dans une société évoluée. Il faudra attendre dix ans pour enregistrer un léger progrès. Par un décret de 1848, confirmé par le Second Empire le 15 juin 1853, le gouvernement provisoire de la Seconde République abolit la peine de mort en matière politique. Il restera toujours à donner une définition du délit politique, encore aujourd’hui, la France n’a jamais défini le « délit politique ».
Au cours des années, à de multiples occasions, des parlementaires interviennent pour réclamer l’abolition de la peine de mort, sans succès jusqu’aux premières années du septennat d’Armand Fallières. Abolitionniste convaincu, élu à la présidence de la République en janvier 1906, il met immédiatement à l’ordre du jour le débat sur l’abolition. La commission du budget de la Chambre des députés vote la suppression des crédits destinés à l’entretien de la guillotine et à la rémunération du bourreau. Aristide Briand, garde des sceaux du gouvernement de Clémenceau soumet à la Chambre un projet de loi d’abolition de la peine de mort. Ce projet de loi déposé en 1906 n’arrivera en discussion devant l’Assemblée que le 8 décembre 1908. Défendu ardemment par le garde des sceaux, il est soutenu par des hommes politiques : Jean Jaurès et Deschanel et combattu avec éloquence par un intellectuel Maurice Barrès. Le vote intervient : 333 voix sont pour le maintien de la peine de mort, 201 sont contre. L’explication de ce refus est simple : entre-temps, une petite fille a été assassinée. Le procès de l’accusé a commencé le 23 juillet 1907. Avant le verdict de la cour, un quotidien, Le petit Parisien prononce la condamnation de l’accusé. La presse exploite au maximum ce terrible fait divers.
La loi maintenant la peine de mort a donc été adoptée. Après trois ans d’interruption, les exécutions reprennent et 223 personnes seront exécutées entre 1906 et 1929, 89 entre 1934 et 1938.
En 1939, une exécution aurait pu faire basculer l’opinion publique, il n’en fut rien. À Versailles, le 16 juin, la guillotine est mal montée, la lunette et le couperet sont défectueux. L’exécution se passe dans des conditions particulièrement atroces et une fois encore, les spectateurs accourent comme à une fête ! « La foule n’est pas découragée », raconte Paris Match, de nombreuses photos paraissent dans la presse. Cependant, à la suite des ’incidents’ qui ont émaillé l’exécution, le gouvernement se réunit en conseil extraordinaire, un décret daté du 25 juin, supprime la publicité des exécutions. En conséquence, les exécutions ne seront plus publiques.
L’occupation allemande connaît la guillotine et les juridictions d’exception. Le maréchal Pétain rompant avec une tradition quasi cinquantenaire, envoie cinq femmes à la guillotine. Le président Auriol maintient cet usage en refusant en 1947 et 1949 la grâce de deux femmes condamnées pour l’assassinat de leur mari. Les exécutions continuent au rythme d’une à quatre par an. Albert Camus et Alfred Kœstler publient un beau plaidoyer contre la peine de mort Réflexion sur la guillotine.
L’arrivée à la présidence de Georges Pompidou donne quelques espoirs aux abolitionnistes. Le 15 juin 1969, il accorde la grâce aux six personnes condamnées à mort depuis le début de son septennat. Un nouveau fait divers inversera les sondages qui étaient favorables à l’abolition. Dans une centrale pénitentiaire, le 21 septembre 1971, deux détenus prennent en otage une infirmière et un surveillant qui seront retrouvés égorgés après l’assaut qui sera donné. Lorsque le verdict du procès est connu, le Parisien Libéré du 30 juin 1972 titrera : « Les égorgeurs Buffet et Bontems condamnés à la peine capitale. »
Pompidou refusera la grâce et Buffet et Bontems seront exécutés le 29 novembre 1972. « Une fois de plus, l’administration pénitentiaire était passée au-dessus de la justice », écrit un éminent sociologue, Michel Foucault. « Elle a réclamé avant le procès et avant la grâce, sa « justice » à elle et l’a imposée. » Nouveau drame trois ans plus tard, le 3 juin 1974, une fillette est enlevée, son corps sera retrouvé deux jours plus tard. Christian Ranucci qui vient d’avoir vingt ans est arrêté, jugé et condamné à mort après une enquête incohérente. Les derniers mots adressés à ses avocats furent : « Réhabilitez-moi ». Giscard d’Estaing refusa la grâce présidentielle.
Le 18 janvier 1977 verra l’ouvertrure d’un procès mémorable, celui de Patrick Henri. Un hebdomadaire l’annonce sous le titre « Procès d’un guillotiné ». L’accusé semble indéfendable. Il a enlevé un enfant dans l’espoir de rançonner ses parents, l’a sequestré et l’a tué. Il disait lorsqu’il n’avait pas encore été arrêté : « Je suis pour l’application de la peine de mort pour ceux qui s’en prennent aux enfants. » Après trois jours de débats et deux heures de délibérations, le jury fait connaître son verdict : Patrick Henry est condamné à la prison à perpétuité. Après la mort de Christian Ranucci, le président Giscard d’Estaing refuse par deux fois encore la grâce de condamnés. Hamida Djandoubi sera la dernière personne guillotinée en France, c’était le 10 septembre 1977.
La campagne qui s’ouvre avec la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing sera enfin l’occasion d’un large débat sur la peine de mort. L’abolition est devenue un élément de campagne. Tandis que le candidat Giscard d’Estaing déclare : « J’éprouve une aversion profonde pour la peine de mort » mais aussi : « J’estime qu’un tel changement ne peut intervenir que dans une société apaisée », le candidat François Mitterrand affiche nettement sa position : « Dans le for de ma conscience, je suis contre la peine de mort ». Président de la République, ce dernier commue une première condamnation à mort. Le 26 août 1981 le Conseil des ministres adopte un projet de loi abolissant la peine capitale qui sera déposé par le nouveau garde des sceaux Robert Badinter et adopté par 363 voix contre 117 à l’Assemblée nationale puis définitivement par 160 voix contre 126 par le Sénat. La France a donc aboli la peine de mort pour tous les délits qu’ils soient de droit commun ou qu’ils relèvent de la justice militaire, par la loi n°81-908 du 9 octobre 1981, entrée en vigueur le lendemain et dont l’article premier dispose « la peine de mort est abolie. » Les six condamnés à mort détenus dans les prisons françaises sont graciés.
 
Mars 2000
D’après Amnesty France

Amnesty International section française, 76 boulevard de la Villette 75946 Paris cedex 19

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