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Émilie Dequenne, actrice du film Rosetta
Article mis en ligne le 1er mai 2000
dernière modification le 25 mai 2023
Émilie Dequenne, Rosetta d’or
 
Émilie Dequenne frappe fort : son premier rôle, à 18 ans, lui vaut le prix d’interprétation féminine du festival de Cannes 1999 pour le film Rosetta qui remporte également la Palme d’or. Cette consécration marque la vitalité du cinéma belge (Marie Gillain, Natacha Régnier). Les réalisateurs, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne dont c’est le 4e film, avaient déjà vu La Promesse sélectionnée en 1996 à Cannes pour La Quinzaine des Réalisateurs. De passage à Tokyo pour la promotion de son film, la jeune actrice continue sur sa lancée en tournant un 2e film, cette fois-ci en France. De quoi croquer la vie à pleines dents.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Vous venez de quel environnement familial ?
Émilie Dequenne : Plutôt d’une famille moyenne qui a beaucoup mené sa petite barque pour en arriver là où elle est aujourd’hui. Maintenant ils s’en sortent très bien. Mon père était employé et il est devenu indépendant. Ma mère travaille pour mon père et maintenant tout va bien aussi. Je n’ai jamais manqué de rien. Et maintenant encore moins.
 
Franc-Parler : Comment avez-vous appris le tournage de Rosetta ?
Émilie Dequenne : C’était par casting en fait. Ma tante a lu une annonce dans un journal et j’étais en train de préparer mon bac. Elle m’a dit : « Tente ton coup, essaie, c’est les frères Dardenne etc… Ils sont sérieux. » Je n’avais jamais osé envoyer ma candidature pour un casting parce que j’avais peur que ce ne soit pas sérieux. Comme c’étaient les frères Dardenne, je me suis dit : « Tiens, peut-être que ça peut être bien », j’ai tenté ma chance.
 
Franc-Parler : C’était déjà une envie, avant, de tourner ?
Émilie Dequenne : Disons qu’entre 5 et 15 ans, on a très envie de tourner pour le côté glamour du cinéma. J’ai fait beaucoup de théâtre, j’ai commencé à 8 ans, j’ai fini vers 16 ans. J’ai arrêté pour passer le bac tranquillement. C’était le théâtre ma première passion, le cinéma me faisait rêver pour les paillettes etc Et ensuite ça a un peu mûri dans ma tête et je me suis dit : « Bon, le cinéma tu ne sais pas trop si tu aimes » et Rosetta a été l’occasion de savoir si j’aimais ou non. Et j’adore.
 
Franc-Parler : Comment ça s’est passé pour l’audition ?
Émilie Dequenne : Ils avaient reçu 2000 photos de candidates qu’ils ont reçues toutes un quart d’heure. Ils leur ont fait improviser des choses et ensuite on est revenues une deuxième fois pendant une heure et demie. Là, ils nous ont donné de petits morceaux de scénario. La troisième fois, on est allées une journée, on n’était plus que deux, à ce moment-là encore deux. Et là, ce sont vraiment de grosses parties de scénario que les frères nous faisaient refaire plusieurs fois. Donc, je n’étais au courant de rien, je ne savais pas du tout ce qui m’attendait. J’ai dû préparer une paire de bottes, c’est tout.
 
Franc-Parler : Et au niveau de la direction des frères Dardenne ?
Émilie Dequenne : Ce sont d’excellents directeurs d’acteurs, mais expliquer comment ils dirigent, c’est très difficile parce qu’on sent qu’ils vous accompagnent vraiment, mais ils ne sont pas du genre à dire : « On fait ça comme ça », ils nous laissent libres dans notre jeu, mais ils sont présents, très présents.
 
Franc-Parler : Les scènes sont tournées en une fois ?
Émilie Dequenne : Beaucoup de fois. Les frères veulent que ça soit très spontané, que ce soit de l’image, que ce soit du jeu, ils veulent capter les moments humains. Alors ça, ils nous épuisent autant techniquement parlant qu’au niveau des acteurs. Ils sont très perfectionnistes.
 
Franc-Parler : Le tournage a été dur physiquement ?
Émilie Dequenne : Oui, c’était très difficile physiquement, mais mentalement c’était un vrai bonheur. Je sais que ma mère m’appelait tous les soirs en me disant : « Tu es fatiguée, ça ne va pas. » Je lui disais : « Je suis crevée, je suis sur les genoux mais j’y mets tellement du mien que c’est un vrai bonheur. »
 
Franc-Parler : Dur pour vous, mais aussi pour les autres acteurs…
Émilie Dequenne : Oui, dans la scène du début où je frappe le patron, il y a une scène que l’on a tournée où je me suis penchée, je me suis relevée et je lui ai donné un petit coup de boule. Il n’a pas eu vraiment le nez cassé, mais il a eu très mal.
 
Franc-Parler : Est-ce que vous avez retrouvé en Rosetta des côtés de votre personnalité ?
Émilie Dequenne : Bien sûr, oui. La force, l’énergie, la volonté, on les a toutes les deux, mais notre histoire est différente. On ne canalise pas notre énergie de la même façon, on n’agit pas de la même façon. Jamais je ne me suis levée un matin en me disant : « Tiens est-ce que j’aurai à manger ? Est-ce que j’aurai à boire ? Est-ce que j’aurai un trou où dormir ? » Je n’ai pas tous ces soucis, mais j’ai cet optimisme, cette force. Je suis très optimiste.
 
Franc-Parler : Avez-vous côtoyé ou vu ce genre de milieu ?
Émilie Dequenne : J’habite dans le Borinage en Belgique et c’est une région très très pauvre. Il y avait énormément d’Italiens immigrés qui sont venus travailler dans les mines et maintenant certains d’entre eux vivent dans des taudis, des caravanes parce qu’on a licencié beaucoup de monde quand les mines ont fermé. C’était là où on exploitait le charbon en Belgique et le charbon a disparu.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Qu’est-ce que le plan social Rosetta ?
Émilie Dequenne : C’est une réforme qui a été mise en place : les employeurs, les indépendants, les patrons ont un certain quota de gens jeunes à employer et l’État subventionne ces entreprises qui embauchent des jeunes. Pour l’instant, ça a l’air d’une très bonne idée, on verra dans dix ans ce que ça donnera. Peut-être plus que dans dix ans. Les réformes qui ont été prises pour le cinéma belge en Belgique l’ont été il y a très longtemps et on commence à voir le bout du problème seulement maintenant. Ce plan c’est peut-être une très bonne idée, mais il ne faudrait pas que cela fasse perdre non plus leur emploi aux plus âgés, aux plus anciens.
 
Franc-Parler : Comment faites-vous pour vos études ?
Émilie Dequenne : C’est fini les études. J’ai énormément de projets au niveau du cinéma. J’avais repris mes études en ne sachant pas trop ce que j’allais faire. Je savais que je voulais continuer à faire ce métier-là. Je voulais continuer à étudier car en même temps je ne voulais pas arrêter mes études à 18 ans. Je ne suis pas étudiante, je n’ai pas le temps d’une étudiante pour me consacrer à mes bouquins. C’était objectivement impossible. J’aime lire et la vie, c’est une grande université. Et puis j’ai le temps, si plus tard ça va mal, mais je n’espère pas… C’est bon signe que j’aie dû arrêter, c’est même très bon signe.
 
Mai 2000
Propos recueillis : Éric Priou
 
Rosetta de Luc et Jean-Pierre Dardenne avec Émilie Dequenne, Fabrizio Rongione ; 1999, Belgique, France, 93 mn
Dans une région durement touchée par la crise, Rosetta qui vit dans une caravane avec sa mère alcoolique, se bat pour un travail rarement accordé, toujours retiré. Pour avoir une vie
normale, elle est prête à tout…
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