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La francophonie au Japon

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Marguerite France, altiste et directrice d’orchestre
Article mis en ligne le 1er janvier 2009
dernière modification le 23 mai 2023
Marguerite France : Jouons français !
 
De la musique, encore la musique, toujours de la musique. Classique, bien sûr ! Tel pourrait être le leitmotiv de ce concentré d’énergie qu’est Marguerite France, installée à Tokyo depuis une trentaine d’années.
 

Franc-Parler : Vous menez de front de très nombreuses activités liées à la musique : concertiste, direction d’orchestre, école de musique, association. Comment y arrivez-vous ?
Marguerite France : C’est une question que je me pose tous les jours. Je ne sais pas comment j’y arrive, mais j’y arrive. J’ai été très aidée pendant longtemps et il y a des périodes où je n’ai pas été aidée du tout. Maintenant je me trouve un petit peu seule à la barre, pas complètement mais presque seule. Mais j’y arrive parce qu’il y a à la base une passion, un sens de mission et un sens de diffuser de la musique et la culture française qui est tellement fort que je trouve toutes les forces. C’est l’esprit qui mène, là. Avec mes 45 kilos, j’y arrive quand même. Je continue en parallèle ma vraie carrière qui est une carrière de soliste, violoniste et altiste. Soit je joue en récital avec piano, soit je joue avec mon orchestre mais en soliste, en formation de musique de chambre. Je suis très chambriste de caractère, j’aime bien jouer en ensemble avec des gens. Comme j’ai de très bons amis, je donne très souvent des concerts de musique de petits ensembles : trios, quatuors avec ou sans piano. Ça j’aime beaucoup, c’est un peu ma tasse de thé, ça.
 
Franc-Parler : Vous avez débuté à apprendre à jouer des instruments à l’âge de trois ans. Est-ce l’âge idéal ?
Marguerite France : Trois ans, c’est petit, physiquement, c’est petit. Par contre j’entendais de la musique depuis avant ma naissance. Donc, probablement, j’ai commencé à mettre mes doigts sur un instrument à l’âge de trois ans mais je chantais déjà, je connaissais les notes. Disons que le premier instrument, ça a été le piano, avec un doigt. Les instruments à corde, ça a été le coup de foudre à l’âge de sept ans. J’ai continué à faire du piano mais je me suis spécialisée ; mes études professionnelles sont à l’instrument à cordes : violon et alto.
 

Franc-Parler : Vous jouez et vous avez joué pour des orchestres, comme en Suisse…
Marguerite France : En Suisse, je suis entrée à l’Orchestre de la Suisse Romande du temps d’Ernest Ansermet, ce qui n’est pas d’hier, mais qui était la grande grande période de cet orchestre. Tout à fait par chance, par hasard parce que j’étais à Genève pour faire un concours international et que la dernière épreuve était avec orchestre. J’ai joué et Ernest Ansermet qui était par là m’a dit : « Eh bien, il y a une place, si vous voulez, prenez-la. » Je suis entrée comme ça… Les autres n’étaient pas très contents mais enfin ça fait rien. J’y suis restée une dizaine d’années. Ernest Ansermet, c’était la fin, il était déjà âgé, il était merveilleux. J’ai énormément appris pendant deux ou trois ans. Ensuite, il y a eu d’autres chefs. C’était prestigieux mais il n’y avait pas cette aura, ce charisme. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir entrer et de travailler avec lui environ deux ans.
 
Franc-Parler : Un orchestre symphonique européen et un orchestre symphonique japonais, c’est la même chose ?
Marguerite France : Pas du tout, c’est tout à fait différent. Je ne sais pas si c’est bon à dire mais les orchestres symphoniques européens essaient de faire de la musique. Je dis bien essaient, parce qu’en général ils y arrivent mais quelquefois moins bien, de faire de la musique. Ici, au Japon, c’est très facile de trouver de la musique. On trouve une perfection technique remarquable, on fait beaucoup de répétitions. On n’a pas le droit de faire de fausses notes, c’est beaucoup plus perfectionniste qu’en Europe. C’est vrai que la musique dépend beaucoup du chef d’orchestre mais quand le chef d’orchestre n’est pas musicien, l’orchestre ne fait pas de musique. Par contre en Europe, même quand le chef est mauvais, l’orchestre se dégage et s’éclate, quitte à faire des fausses notes. J’ai une anecdote d’ailleurs, c’était Ernest Ansermet avec lequel je faisais des enregistrements de symphonies de Brahms. Il y a eu une prise de son qui était magnifique musicalement parlant, tout petit couac de rien du tout, je ne sais plus si c’était à la trompette ou au cor. La compagnie de disque, c’était Decca à cette époque-là, a demandé à recommencer et Ernest Ansermet, il a dit : « Non, on ne fera pas deux fois du si beau Brahms. » On a continué avec notre couac. Le couac est dans le disque mais ça ne fait rien, on s’y habitue. C’est la notion européenne, c’est d’abord la musique.
 

Franc-Parler : Quels sont les grands projets à venir ?
Marguerite France : Nous venons de finir relativement bien l’opéra Faust. C’est le cinquième opéra que je donne ici au Japon. Je voudrais me lancer dans une série d’opéras français parce que c’est vrai qu’autrefois on en faisait quelques-uns, on joue beaucoup Carmen. Donc, je ne le ferai pas, tout le monde le fait mais il y a beaucoup d’opéras qui sont une merveille. Je pense que la prochaine fois, je vais continuer du Gounod parce que c’est vraiment beau et ça vaut la peine. C’est un gros gros vaisseau mais en attendant, je pense à des œuvres de l’opéra français baroque, Lully, Rameau qui sont des œuvres magnifiques et que personne ici ne fait, que personne ne connaît d’ailleurs. C’est une musique admirable. C’est un petit peu difficile au point de vue du français mais de toute façon, il faut savoir chanter en français, il suffit d’apprendre. Le projet suivant en attendant Gounod ou bien Massenet sera français, de l’époque de Louis XIV, Versailles, quoi. Je n’ai peur de rien.
 
Franc-Parler : Pourquoi mettez-vous en avant ce répertoire français ?
Marguerite France : Je ne suis pas nationaliste, c’est une question de formation. D’abord, la musique française, c’est quoi ? C’est quand même européen. Mais disons que la musique française, c’est d’abord la recherche des couleurs sonores. Ça, c’est très important. La musique française a eu énormément de succès dans les années 50-60 au Japon. Et puis avec les grands solistes, Samson François, Gallois-Montbrun qui était d’ailleurs mon professeur, etc. Et puis, je ne sais pas pourquoi, c’est une raison qui me semble un peu mystérieuse, mais le boum de la musique française s’est un peu affaibli. Et quand j’ai pris conscience de ça, j’ai compris que là, il y avait un flambeau à reprendre. La musique allemande, la musique italienne, tout le monde le fait, ça marche très bien mais la musique française, on n’y pense plus alors qu’elle est très très belle. Donc, c’est un petit peu aussi ce côté missionnaire, ce côté Jeanne d’Arc, ne pas laisser tomber la musique française.
 
Janvier 2009
Propos recueillis : Éric Priou
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