Nicolas de Crécy : Avec ou sans bulles ?Que ce soient pour les dessins animés ou les bandes dessinées, l’illustration et la narration graphique n’ont plus de secrets pour Nicolas de Crécy. Que ressortira-t-il de son séjour à Kyoto ?Franc-Parler : On va faire une interview très classique contrairement à vos dessins. Vous avez fait partie de la première classe de bande dessinée d’Angoulême. Pouvez-vous parler de ceci ?Nicolas de Crécy : Eh bien, il n’y avait rien. Strictement rien, aucune… On n’y allait pas. Enfin on y allait, il y avait des espèces de cours mais la bande dessinée ne s’apprend pas. En général, on arrive avec des outils suffisants pour pouvoir se débrouiller tout seuls. Donc, l’intérêt c’était la motivation qu’on avait entre élèves à faire des choses et à se les montrer. Voilà, c’était une motivation inter-élèves plus qu’un rapport professeurs-élèves.Franc-Parler : Quelle a été la réaction de votre famille lorsque vous avez dit que vous vouliez vous consacrer à la bande dessinée ?Nicolas de Crécy : Ça faisait un moment qu’ils étaient au courant. Donc, ça ne leur a pas posé de problèmes comme je voulais faire ça. Mes parents ont toujours soutenu leurs enfants dans ce qu’ils avaient envie de faire. Donc, ça s’est très bien passé.Franc-Parler : Tant mieux. Pour prendre ce chemin, est-ce qu’il a un dessinateur en particulier qui vous a influencé ? C’est venu comment ?Nicolas de Crécy : Alors, là ça me demande un effort de mémoire terrible. Non, en fait, moi j’ai toujours eu la passion du dessin et le dessin pour moi, ça a toujours été un moyen de raconter des histoires. Donc, la bande dessinée, pour moi, c’était une évidence. Donc, après les influences, oui, il y en a eu diverses mais elles sont tellement diverses que je ne saurais pas donner un nom comme ça. Il y a eu plein de choses qui m’ont intéressé dans la bande dessinée.Franc-Parler : Raconter une histoire, vous le faites de différents moyens… Parfois même, vous ôtez carrément le texte.Nicolas de Crécy : Oui, J’ai fait une bande dessinée comme ça (Prosopopus) qui était un exercice de narration pure. Je me suis demandé s’il était possible de raconter une histoire avec un scénario assez complexe sans utiliser du tout de texte. Donc, c’était une expérience comme le sont chacun de mes livres. Oui, c’est vraiment un pur exercice de narration qui m’a été inspiré d’ailleurs par le système de narration japonais qui est très très décrit. C’était un très bon exercice, je me suis bien amusé à le faire.Franc-Parler : À chaque fois, vous essayez de faire un nouveau style, vous vous lancez dans des aventures nouvelles. Vous ne risquez pas de dérouter vos lecteurs ?Nicolas de Crécy : Je ne pense pas au public quand je fais un album. Pour moi ce qui est intéressant, c’est d’avoir une recherche et c’est de ne pas m’ennuyer par rapport à mon travail. Après, le public, soit il suit, soit il ne suit pas. Et de toutes façons, c’est une notion qui est tellement vague, le public, que je préfère ne pas en tenir compte du tout. Donc, pour moi, l’intérêt, c’est d’avoir une recherche personnelle par rapport au graphisme et à la narration et il n’y a que la nouveauté qui m’excite. Je veux éviter de rentrer dans un système de…, comment dire ? D’être fonctionnaire de mon propre travail comme c’est souvent le cas en bande dessinée. C’est-à-dire qu’on trouve un personnage, on fait une série et puis on fait ça toute sa vie et moi je trouve ça absolument sinistre. La vie de bureau, ça ne m’intéresse pas.Franc-Parler : Dans d’autres bandes dessinées, vous avez fait appel à la couleur. Vous peignez directement…Nicolas de Crécy : Il y a plusieurs techniques, il y a de l’acrylique, de l’aquarelle, des encres, de la gouache. J’ai un peu essayé tout ce qui était possible d’essayer. Et justement à chacun des livres, j’essaie d’utiliser une technique différente. Donc, là je crois que j’ai à peu fait près le tour. Parce que j’ai essayé aussi la mise en couleurs sur ordinateur et à part une bande dessinée à la peinture à l’huile, je crois que j’ai tout fait.Franc-Parler : Est-ce que c’est la peinture qui vous a amené à une collaboration pour un album (Période glaciaire) avec le musée du Louvre ?Nicolas de Crécy : En fait, ce projet vient d’un éditeur aux éditions du Louvre qui s’appelle Fabrice Douar et qui considérait que la bande dessinée était un médium assez intéressant ; ce qui est assez rare dans les institutions du genre du Louvre. Et il s’est battu avec sa direction pour qu’elle accepte qu’il demande à des gens qui font de la bande dessinée de parler du Louvre. En fait, j’ai été la première personne qu’il a contactée parce que c’est une série, il y aura en tout 5 ou 6 albums voire peut–être plus, de différents auteurs sur le Louvre. J’ai été le premier à accepter. Moi, c’est une proposition qui m’a beaucoup intéressé parce que c’est vrai, bon, Le Louvre, c’est un exercice difficile de parler du Louvre mais c’est vraiment un truc que je voulais essayer de faire. Là encore une nouvelle expérience et le premier livre de commande que je faisais.Franc-Parler : Que va-t-il ressortir de votre séjour au Japon ? Je crois qu’il y a quelque chose dans l’animation ?Nicolas de Crécy : J’ai un projet en animation qui là est en négociation mais c’est toujours un peu compliqué l’animation parce qu’il y a toujours des problèmes de production. L’idée, ce serait de travailler avec un studio japonais. Sinon, je dessine Kyoto sous toutes les coutures. Enfin je fais énormément de croquis à Kyoto pour l’instant, qu’on peut trouver sur le blog d’ailleurs de la villa Kujoyama. En fait pour l’instant je dessine, je regarde, je me nourris de tout ce que je vois et puis de toutes façons, y aura un livre, ça c’est certain. Qui ne sera pas un livre de bande dessinée mais un livre de dessins qui sortira d’ici un an, je pense. Et puis après en sortira très certainement quelque chose sous une forme de bande dessinée ou sous une autre forme. Donc, il y aura livre et exposition.Franc-Parler : Vous n’êtes pas exclusivement bande dessinée. Vous passez à d’autres types d’expression…Nicolas de Crécy : Ah oui, oui. J’aime bien autre chose que la bande dessinée. En fait, je me libère de mon dessin de bande dessinée habituel en dessinant la ville. Ensuite, je réintégrerai peut-être tout ça dans une bande dessinée. Je ne sais pas pour l’instant. Le projet de livre, ça tourne plus vers du dessin et des expérimentations graphiques que de la bande dessinée.Franc-Parler : L’élément de l’architecture se retrouve assez souvent dans ce que vous faites…Nicolas de Crécy : Oui, c’est un truc qui me passionne, l’architecture. Et c’est vrai qu’ici, à Kyoto, ce qui est passionnant, c’est l’architecture, enfin l’histoire du Japon qu’on peut lire dans l’architecture. L’architecture contemporaine, c’est vrai qu’elle est beaucoup plus culottée à Tokyo, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup plus de choses à voir. Je ne sais pas sous quelle forme ça existera, de toutes façons je m’imprègne de tout ça et ça donnera quelque chose au final.Avril 2008Propos recueillis : Éric Priou
Le dessinateur de bande dessinée Nicolas de Crécy
Article mis en ligne le 1er avril 2008
dernière modification le 23 mai 2023