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Damien Manivel, réalisateur du film Un jeune poète
Article mis en ligne le 8 janvier 2016
dernière modification le 25 mai 2023
Damien Manivel – Jeune cinéaste devenu grand
 
Rémi s’est mis en tête de devenir un grand de la poésie, avec pour seuls outils un simple stylo et son carnet. Le protagoniste du film Un jeune poète parviendra-t-il à trouver tant l’inspiration que la reconnaissance ? Ou bien faudra-t-il lui suggérer de prendre de la graine auprès du réalisateur de ce premier long métrage, Damien Manivel ?
 
©Franc-Parler

Franc-Parler : Vous êtes à l’origine un danseur de danse contemporaine…
Damien Manivel : Ouais, j’ai commencé par la danse contemporaine et le cirque contemporain. Donc, en tant qu’acrobate et puis après les rencontres ont fait que je me suis intéressé à la mise en scène, puis à la mise en scène de films. Voilà.
 
Franc-Parler : D’accord. Le film, Un jeune poète n’a aucune référence aux milieux que vous avez côtoyés…
Damien Manivel : Si, parce que c’est le milieu de la création. Je pense que, autant dans la danse que dans les autres arts, je dirais, les inspirations sont connectées, Après, moi il m’arrivait quand j’avais 18 ans et que j’aspirais, que je rêvais de créer des choses, d’écrire ou de, voilà, devenir « artiste » entre guillemets, il m’arrivait de lire des poèmes, beaucoup. Donc, ce n’était pas très difficile de m’identifier à ce personnage.
 
若き詩人 Un jeune poète

Franc-Parler : C’est un personnage qui a cherché par moments à trouver l’inspiration grâce à quelques bouteilles d’alcool. Et, pour vous ? Quelle est votre source d’inspiration principale ?
Damien Manivel : Je pense que là dans le film, c’est… On va dire, c’est une version comique de ça parce que je pense que faire un film sur un artiste ou sur un processus de création, c’est très difficile. Et j’avais besoin d’un second degré, j’avais besoin de comédie pour que le film soit plus léger et puis c’était traiter ces sujets-là sans prétention, en fait. Sans être prétentieux. Donc, dans le film, Rémi, ce qu’il fait, c’est qu’il égrène les clichés du poète. À savoir, trouver l’inspiration dans la déception amoureuse, dans l’alcool, dans la relation avec la nature, tout ça. Donc, tout ça c’est une version comique, mais en même temps, c’est vrai. C’est-à-dire que moi, ça m’est passé par la tête à un moment que je pouvais boire pour trouver des idées ou souffrir pour écrire les plus belles choses. Donc, ce sont des choses qui sont comiques, mais qui en même temps, je crois, ont un fond de vérité.
 
Franc-Parler : Alors, cette rencontre avec Rémi Taffanel, ça s’est fait comment ?
Damien Manivel : Alors, j’ai rencontré Rémi pour La dame au chien. La dame au chien, c’est un court métrage que j’avais fait avec lui quand il avait quatorze ans. Et voilà, où je cherchais un adolescent rêveur et un peu décalé. Et du coup, quand je l’ai rencontré, j’ai eu un coup de foudre. J’ai réadapté le scénario pour lui et voilà, c’était une très très belle expérience de travail. Et je pense que c’est Rémi qui a amené le côté comique aussi et burlesque. Il a amené ça à mon cinéma, donc je le remercie pour ça.
 
犬を連れた女 La dame au chien

Franc-Parler : Est-ce que vous faites référence à Antoine Doisnel ? Est-ce que vous vous êtes inspiré un petit peu de ceci ?
Damien Manivel : Non, non, je ne me suis pas inspiré de ça bien que j’aime beaucoup et que je respecte. C’est juste que je trouve intéressant de… J’ai envie de filmer des choses que j’aime avec des gens que j’aime. Donc, Rémi, à quatorze ans, j’avais très envie de le filmer. Ensuite, il y a eu du temps qui a passé, quatre ans. Et ensuite, à dix-huit ans, J’ai pensé que c’était un bon âge, c’était un moment… C’est une charnière. C’est vraiment un moment charnière pour lui. J’avais envie de le refilmer à cet âge-là. Et il y a énormément de réalisateurs qui ont filmé les mêmes personnes à des âges différents. Parce que je pense que c’est très intéressant et c’est même passionnant en fait. C’est vraiment passionnant.
 
Franc-Parler : Votre film passe à l’écran. En première partie, La dame au chien, donc un court métrage suivi par ce long métrage. C’est voulu ? C’est une chose qui n’est pas forcément habituelle.
Damien Manivel : Non, du tout. Mais là, j’ai à cœur de présenter mon travail aux spectateurs japonais et j’ai à cœur de présenter aussi le travail de Rémi. Et je pense que là, c’est intéressant. On suit à la fois, on voit un acteur, on voit un personnage qui change, qui évolue dans son questionnement. Mais on voit aussi une personne qui change et qui évolue, et un jeune acteur. Donc, j’ai trouvé que c’était vraiment une bonne idée de connecter ces deux films, sachant que le personnage de Rémi se pose à peu près les mêmes questions. C’est-à-dire, ce sont des questions existentielles, vécues sous un rapport un peu comique, un peu décalé, mais il se pose des questions qui sont peut-être un peu trop vastes pour lui.
 
Franc-Parler : Lorsque vous avez tourné le court métrage, est-ce que vous aviez déjà en tête l’idée de faire ce long métrage ?
Damien Manivel : Non, pas du tout. J’ai tourné Un jeune poète, c’était un hasard. Rémi m’a contacté après avoir eu son bac, en me disant qu’il avait eu son bac. Il m’a envoyé un texto. J’ai senti qu’il avait envie de refaire un film avec moi et un mois plus tard, on tournait le film.
 
Franc-Parler : Ça s’est fait assez rapidement.
Damien Manivel : Très rapidement. C’est moi qui l’ai produit, c’est moi qui ai mis l’argent et on a tout fait avec mon équipe qui m’accompagne depuis quelques années maintenant, quoi.
 
Franc-Parler : Une équipe composée de…
Damien Manivel : C’est une équipe très réduite composée de trois ou quatre personnes.
 
Franc-Parler : Ça permet d’ailleurs de tourner peut-être…
Damien Manivel : Ça permet de tourner rapidement. Ça permet de tourner léger et d’être un peu comme le personnage de Rémi dans le film, c’est-à-dire, à l’écoute des rencontres qu’on va faire. Tous les acteurs sont des non-professionnels, c’est que des gens de la ville de Sète. Et donc, ils jouent tous leur propre rôle, on pourrait dire.
 
Franc-Parler : Ces gens-là ont accepté tout de suite, lorsque vous leur avez proposé ? Comment est-ce que vous avez fait ?
Damien Manivel : Ben non, ça dépend des gens. De toutes façons, je ne vais pas travailler avec des gens qui n’ont pas envie de tenter l’expérience. Donc, s’il y a de l’enthousiasme, s’il y a du désir, moi c’est pareil, ça me donne du désir aussi.
 
若き詩人 Un jeune poète

Franc-Parler : Pourquoi avez-vous choisi la ville de Sète ? Référence à Brassens ou…
Damien Manivel : Non, pour plusieurs raisons. La première, c’est que c’était pratique parce que j’ai une amie qui habite là-bas et qui pouvait m’héberger ou nous héberger, ce qu’elle a fait très gentiment. Et après, c’est la ville qui vient aussi avec le cimetière marin, qui vient aussi avec Paul Valéry. C’est une ville qui est belle, où il y a de la nature. C’est une ville de poètes, quoi ! Clairement. Donc, je pense que c’était le cadre idéal pour faire le film.
 
Franc-Parler : Il y avait l’eau et le ciel aussi.
Damien Manivel : Il y avait l’eau et le ciel. Le ciel et cette lumière que j’ai essayé de filmer beaucoup. Enfin, c’est un sujet qui m’a passionné.
 
Franc-Parler : Pour finir, parce que j’ai été très surpris lorsque je suis arrivé ici. Je vous ai entendu parler japonais, je me suis dit : « Je vais faire l’interview en japonais. » [sourires] Comment se fait-il que vous parliez japonais ?
Damien Manivel : Là, c’est la septième fois que je viens au Japon. J’aime beaucoup le Japon, ma femme est japonaise. Je commence à avoir pas mal d’amis japonais, notamment dans le milieu du cinéma. Mon prochain film, j’ai envie de le faire au Japon. Donc, c’est un pays qui me touche, en tout cas avec lequel je sens que j’ai une connexion. Et la façon dont sont reçus le film et mon travail pour l’instant est plutôt positive et je sens qu’il y a quelque chose qui se passe. C’est quelque chose qui me conforte encore dans l’idée de continuer à venir ici.
 
Franc-Parler : Donc, là vous êtes un petit peu en repérages, en fait.
Damien Manivel : Oui voilà, j’essaie de sentir un peu les choses, oui.
 
Franc-Parler : Est-ce que votre film Un jeune poète a été vendu en dehors du Japon ?
Damien Manivel : Ouais, il est sorti en France déjà. Il est sorti au Brésil, il a été vendu dans plusieurs pays, oui tout à fait. Ce qui est assez exceptionnel pour une production qui est… C’est un film que le réalisateur a produit, une fois que j’ai monté une boîte de production. Donc, c’est quelque chose qui est très… C’est un petit film, mais vu qu’il est allé au festival de Locarno, qu’il a gagné un prix, ça a permis de créer un écho et, voilà, que le film marche, quoi !
 
Franc-Parler : Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir monter sa boîte de production et de suivre jusqu’au bout…
Damien Manivel : Ouais, le truc, c’est que j’avais fait des courts métrages qui avaient eu du succès avant. Donc, j’avais économisé un peu d’argent que j’avais gagné avec les prix et c’est ce qui m’a servi à faire ce film-là.
 
Tokyo, le 11 décembre 2015
Propos recueillis : Éric Priou
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